Birth days by Grimbert

Birth days by Grimbert

Auteur:Grimbert
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock


Les hôtels se dégradèrent, elle connut les chambres miteuses dans des couloirs sombres et bruyants, des chambres éclairées les nuits entières par les néons des enseignes au-dehors, des salles de spectacle vides ou presque, des rues où des gens esseulés, de plus en plus seuls lui semblait-il, traînaient des heures entières sur des trottoirs défoncés qu’on ne réparait jamais, d’autres qui ne cessaient de se déplacer sur un périmètre étroit, et plusieurs fois par jour Muriel les retrouvait devant elle, dans ces rues pleines d’une agitation de malheur et de peine, d’ennui, et de fatalité résignée que tous espéraient un jour ou l’autre bousculer, mais qui, lourde, restait immobile, avec eux, les suivait, revenait, s’imposait de nouveau jusqu’à ce qu’une fois pour toutes ils baissent les bras, se rendent à ses arguments, à son poids, ou se révoltent encore et échouent.

Dans les ruelles sur lesquelles donnaient les chambres, Muriel avait toujours l’impression qu’il pleuvait, que l’eau tombait en rigole de la façade des immeubles, laissant des flaques immenses au sol qui jamais ne s’évaporaient ; et ce bruit d’eau, mêlé à celui des pas dans le couloir, aux altercations violentes d’une chambre à l’autre, la poursuivait toute la journée.

Ils restèrent donc là, dans un dénuement abandonné contre lequel ils ne surent pendant un temps ni l’un ni l’autre se défendre, vécurent dans cette atmosphère pareille à un brouillard qui les engourdissait, durant des jours entiers ne bougèrent pas, allongés, sans sommeil ou dans un sommeil qui jamais ne les restaurait, si bien que le lendemain avait la même langueur hébétée que le jour précédent.

Ils restèrent là, proches cependant, parce que aucun ne pouvait accepter l’idée de laisser l’autre derrière lui ; et leurs cris, certains jours, traversèrent leur porte pour se répandre dans le couloir, confondus aux autres cris auxquels depuis longtemps plus personne n’attachait d’importance. Ils restèrent dans cette lenteur, dans cette peine qui les contaminait, comme elle contaminait tout le monde autour d’eux.

Pendant des mois Muriel ne reconnut rien, et pourtant pour la première fois elle cherchait à trouver une logique aux événements. Auparavant tous étaient survenus sans ordre, par hasard, tous l’avaient trouvée prête et sans projets, mais maintenant en regardant Balantine elle se demandait comment les choses avaient pu tourner ainsi, pourquoi le miracle de son renouvellement n’avait cette fois pas fonctionné. Peut-être, certains jours, soupçonna-t-elle que son amour paralysait le processus des naissances – mais elle admet aujourd’hui ne plus savoir si ses réflexions allèrent aussi loin.

Son histoire aurait donc pu s’arrêter là, et on n’en aurait plus jamais reparlé. Elle et Balantine seraient restés ainsi, dévastés, abrutis d’ennui et de peur. Puis ils seraient morts. Mais soudain Jean Balantine trouva du ressort, cela, dit-il, parce que Muriel l’inquiétait, ressemblait maintenant à ces plantes séchées, dont les teintes devenues poussiéreuses évoquent la mort tandis qu’elles recouvrent les formes inchangées de leur splendeur. Soudain il retourna aux affaires, celles que précédemment il avait faites et où on l’attendait encore. Muriel naturellement le suivit. Bientôt ils quittèrent les zones désolées des villes, entrèrent de nouveau dans des quartiers confortables.



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